Mercredi 11 avril 2018 tagStratégie – Organisation – Transformation

Une opportunité à ne pas manquer pour le financement de nos entreprises et de nos retraites…

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Tribune de Patrick Dixneuf, Directeur Général Aviva France



O
n me demande souvent, comme Assureur, ce que je pense du projet de loi PACTE porté par Bruno Le Maire.

En quelques mots : beaucoup de bonnes choses malgré quelques clichés et, peut-être, une erreur.

Que l’épargnant français ait une aversion au risque, que les normes prudentielles découragent l’investissement dans l’économie réelle et principalement sous forme d’actions sont deux réalités indéniables. Doit-on pour autant dire que l’épargne, et en particulier celle placée en assurance vie, est aujourd’hui une épargne dormante ?

D’une part, il convient d’avoir un peu de mémoire et de se souvenir que les gouvernements se sont trouvés contents d’avoir des acheteurs français de la dette publique. Mais surtout, l’assurance vie, non seulement par les unités de compte, mais également par les fonds euro, sont déjà des investisseurs clefs de l’économie réelle, dans les grandes entreprises, bien sûr, mais aussi dans les projets innovants et le tissu des PME et des ETI. Sait-on seulement que près des deux tiers des 1 800 milliards d’euros de l’assurance vie financent déjà le secteur productif, en dette ou en actions ? Également, on ne saurait nier le rôle déjà actif même si encore insuffisant du secteur financier dans la résolution des grands défis sociétaux tels que le changement climatique, et sur lesquels sa mobilisation aux côtés des organisations expertes et des acteurs publics lors des évènements internationaux qui ont eu le lieu en France tels que la COP21 et le One Planet Summit peut nous rendre optimiste.

Ceci étant dit, et même s’il est utile de corriger quelques exagérations entendues lors des débats, le gouvernement a raison de s’atteler aux questions de l’augmentation et de l’amélioration du financement de l’économie réelle. Au-delà des montants investis, les deux questions principales soulevées sont les bonnes :

  • Comment « flécher » ces investissements vers ceux qui n’ont pas aisément accès aux sources de financement et qui sont pourtant porteurs de la croissance pérenne de notre économie (le tissu de PME et d’ETI) ou de son renouvellement (les entreprises innovantes) ?
  • Comme favoriser l’investissement sous forme d’actions là où il est aujourd’hui principalement en France (et à l’inverse des autres pays) sous forme de dette ?

La méthode utilisée est également la bonne tant par l’approche de co-construction que par la volonté de regarder tous les éléments de la chaîne de valeur : épargnants, intermédiaires, sociétés financières, investisseurs et appétit des entreprises à ouvrir leur table de négociations.

Le changement culturel par une meilleure éducation économique et financière dans notre pays est également un pas en avant. Au global, le projet de loi PACTE contient beaucoup de bonnes mesures qui, soyons-en sûrs, atteindront leur objectif dans les 3 voire 5 ans qui viennent.

En ce qui concerne l’assurance vie, l’essentiel de ce qui fait son succès, de ce qui en fait le placement préféré des français est préservé. De plus, là où les contrats multi-supports actuels offrent la capacité d’ajuster le couple rendement / risque par le panachage des fonds euros et des unités de compte, offrir un type de support couplant la garantie et la performance est excellent tant pour les épargnants que pour l’opportunité d’investissements longs dans l’économie réelle.

L’idée n’est pas nouvelle et les assureurs, entre autres, ont beaucoup contribué aux premiers contrats Eurocroissance. Ceux-ci restent cependant compliqués dans leur montage financier et donc difficile à comprendre par les épargnants. Dans les conditions actuelles de marché et de niveau bas des taux d’intérêt, leur diversification reste aussi mécaniquement limitée. Les nouveaux Eurocroissance procèderont des mêmes idées, mais en mieux par leur simplicité, leur lisibilité et leur plus grande diversification. Bravo.

En ce qui concerne la retraite, il convient de se méfier des schémas préconçus. Simplifier, ouvrir, favoriser des produits retraite alternatifs et transférables est une bonne chose. Il est donc bon que le projet de loi PACTE fasse un pas dans cette direction. De plus, les produits retraite sont des produits longs par excellence, donc d’excellentes opportunités d’investissements dans l’économie réelle. Il n’y a donc pas de doute à avoir sur l’intérêt d’inciter plus les épargnants et d’ouvrir la partie accumulation des produits retraite. N’oublions cependant pas l’aspect des garanties financières, de nombreux exemples dans d’autres pays sont là pour nous en rappeler l’intérêt.

Je serais plus réservé quant à la partie désaccumulation. Que l’épargnant puisse disposer d’une partie de son épargne en capital est compréhensible et utile. Cependant, il ne faut pas faire table rase des notions de solidarité et de garantie.

La retraite par répartition cumulait deux types de solidarité : une solidarité intergénérationnelle (les actifs payent par les retraités) et une solidarité intergénérationnelle (tous, ceux qui vivent moins comme ceux qui vivent plus longtemps continuent à être servis leur vie durant).

Un simple calcul montre que nos pyramides des âges ne permettent plus d’assurer une solidarité intergénérationnelle complète et donc de conserver la retraite par répartition comme seul système. Les produits alternatifs ne doivent cependant pas faire table rase de la solidarité intergénérationnelle, c’est-à-dire de la protection contre le risque de longévité. Ils ne doivent pas non plus exclure toute garantie et faire porter tout le risque financier par le client retraité.

Les bilans des assureurs sont les outils naturels pour porter ces risques et ces garanties. De purs fonds de pension, même « à la française », ne le permettraient pas.

Ce qui est étonnant, ce n’est pas d’entendre les épargnants demander plus de liberté et plus de flexibilité. Leurs associations représentatives sont dans leur rôle en portant ces demandes.

Ce qui est plus étonnant en revanche, c’est que le gouvernement, qui a la charge de protéger la collectivité, n’ait pas compris jusqu’ici ce besoin, comme d’ailleurs le risque de retrouver un jour des retraités à la charge de la solidarité nationale.

Grâce à la volonté du gouvernement, grâce aux apports de la co-construction, la partition PACTE ne comporte que peu de fausses notes. Il est donc encore temps de corriger celle-là et de ne pas manquer l’opportunité de pérenniser notre système de retraite en complétant les systèmes par répartition de produits de capitalisation réellement aptes à assurer les revenus des retraités quelle que soit leur espérance de vie.

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